LE RÊVE ET LA MÉTHODE
Cherif Ouazani, envoyé spécial
Faire de l'Algérie le « dragon du Maghreb ». Abdelaziz Bouteflika n'a jamais
fait mystère des ambitions qu'il nourrit pour son pays. En battant campagne, en
février 1999, le candidat Boutef a paraphrasé, à sa manière, Martin Luther King
et son fameux : « I have a dream ». La dette extérieure frisait alors les 30
milliards de dollars, le baril de pétrole, principale richesse du pays,
plafonnait à 23 dollars, alors que la décennie de violence islamiste avait fait
plus de 100000 morts, des millions d'orphelins, des dizaines de milliers de
veuves et de handicapés. L'économie algérienne était exsangue. Les dégâts
provoqués par les actes de sabotage et de terrorisme se chiffraient à 20
milliards de dollars, et les institutions étaient gangrenées par la corruption,
le népotisme et la prévarication. Au plan diplomatique, l'isolement de l'Algérie
était total. Le manque de compassion internationale était aggravé par la lourde
suspicion qui pesait alors sur l'armée, la justice et le gouvernement. C'est
dans ce contexte qu'un candidat à la présidentielle, ancien chef de la
diplomatie, personnage historique du mouvement national, dauphin naturel du
président Boumedienne après son décès en décembre 1978, écarté de la succession
par l'armée, victime d'une cabale politico-judiciaire au début des années 1980
et revenu dans son pays après une longue traversée du désert, annonça son rêve:
faire de l'Algérie le dragon du Maghreb. Les plus charitables firent semblant
d'y croire, d'autres raillèrent le compagnon de feu Houari Boumedienne. Sept
années et une réélection plus tard, le rêve de « Boutef » n'est plus aussi fou
qu'il en avait alors l'air.